( morceau à écouter pendant la lecture https://youtu.be/3v3cf9PsxJA )

« Ahhh… Quelle matinée de merde. »

Oui, c’était sans doute le mot que tu avais le plus répétée depuis… Ouh, depuis le début de ta journée. Enfin… Journée… Tu avais commencé un peu plus tôt que le classique 8 heure du matin. Plutôt vers 18h. Oui, tu travaillais pour le moment dans une petite supérette ouverte 24h/24, et tes horaires étaient 18h-23h et 00h-6h.

Comme à ton habitude, tu étais passé par une rapide toilette, dans ton penthouse. Enfin si tu considérais qu’un bien, acheté par un homme que tu avais sérieusement envie d’encastrer dans un mur   (et qui se disait être ton père au passage) et qui avait pour seul utilité d’acheter ton silence, pouvait encore être considéré comme étant ton appartement.

Non, tu n’y arrivais pas. C’était au-dessus de tes forces. Et pourtant, tous ceux qui gravitait autour de ta personne avait tendance à te dire de profiter. Mais ils ne comprenaient pas  . Tu ne pouvais pas faire comme si de rien n’était, et accepter simplement ces cadeaux ! ça serait comme si… Tu acceptais ce que tu avais découvert. Et que tu lui donnais raison.

Encore passablement énervé par la dernière conversation que tu as eu avec Han Bin avant de claquer la porte, tu soupiras brusquement en rejetant tes cheveux châtains en arrière. Ils étaient un peu humidifiés par la précédente douche que tu avais pris au dojo, tu t’y étais rendu pour te calmer de cette… TERRIBLE journée.

Après ta toilette dans cet endroit qui te rappelait bien trop New York et Han Bin, tu t’étais rendu au travail. Ça payait pas trop mal, mais ce n’était que temporaire, comme toujours. Parfois c’était des supérettes de nuit, d’autres fois c’était des coffee shop… Des restaurants en recherche de serveurs, des hommes de ménages… Un peu de tout  , en somme.

Ton but était de toute façon de finir par te lancer en tant qu’artiste. Et puis tant qu’à faire, le body mod’  qui n’était pas possible dans ce pays, ce n’était que partie remise. Tu pouvais toujours tatouer des proches et les percer à leur demande. Tu n’étais pas si à plaindre que ça.


À ta pause «du midi» (23h pour ceux qui suivent), tu t’étais rendu dans ta voiture -alias ta maison- pour y récupérer ton portable que tu avais oublié. Et bien sûr…  C’est à ce moment-là que tu t’es rendu compte que ta voiture avait une fuite. Tu n’avais évidemment pas encore mangé  .

Alors au lieu de te régaler avec tes nouilles instantanées dans un coin de l’arrière-boutique, en train de regarder un épisode quelconque d’une série quelconque sur ton téléphone… Qui pourrait deviner à quoi c’était résumé ta «pause»   ?... Courir après le dépanneur avant la fermeture, oui, bingo~

« Et quel PUTAIN de DEPANNEUR de MERDE. »

Oui, non seulement, LUI avait pris le temps de se déplacer tranquillement, mais en plus, tu avais l’impression que la note était anormalement salée… Tout était justifié d’après lui, la fuite pouvait causer une importante panne, il était TREES TARD , et blablabla…
Mais quand même, c’était méga cher ! Et tu ne pouvais pas te permettre d’avoir une voiture hors service, c’était ton seul moyen de locomotion et ton habitation par la même occasion.

Alors pour résumer, tu n’avais pas mangé, tu n’avais pas eu de pause, tu t’étais presque fritté avec le dépanneur qui avait fait l’erreur de t’appeler « fils » … Ah ouais, ton karma avait décidé par avance que cette journée serait à marquer dans les annales des «Journées de merde de Mi Nam»   , parce que dans la seconde partie de ta nuit de travail (00h-6h), tu avais enchaîné les clients chiants.

Oui, ces clients beaucoup trop alcoolisés pour se déplacer dans des rayons fragile (comme le rayon alcool, tiens quelle coïncidence  ), et ces mêmes clients qui te racontent leur déboire, comme leur femme qui les avait mis à la porte, ou leur patron beaucoup trop exigeants…

QUOI ? T’avais pas signé pour ça dans ton contrat, faire le caissier ouais, mais faire le psy non. Et puis c’était pas comme si c’était des histoires hyper dramatiques, le mec qui s’était fait larguer avait tout au plus complimenté une personne du sexe opposé et ça lui avait suffis à se prendre un milliard de foudre sur la gueule. Bref  . Pourquoi tu y repensais ?... À croire que finalement tu les avais véritablement écoutés se plaindre   (ouais t’en avais eu plusieurs dans ce genre-là).

Rebref  . Après cette séance de boulot, tu avais débauché tôt le matin, tu étais retourné voir le dépanneur (pour récupérer ta voiture en fait) qui t’avais limite trouvé des problèmes imaginaires en supplément, problèmes qu’il t’avait évidemment facturé…
Tu avais fini par lui sauter à la gorge  , son collègue t’avais repoussé en menaçant d’appeler les flics…

Alors...Bon, le but n’étant quand même pas de te retrouver en taule, tu as payé et tu es parti… Pour te calmer, tu t’étais rendu dans ton dojo de Tukong Moosul , tu avais un peu nettoyé et tu t’étais entraîné… Et tu t’étais surtout fait latter par une fille !
Pas que t’étais macho, tu avais vu dans l’armée des femmes beaucoup plus endurantes que des mecs plus baraqués… Mais en général, c’était toi qui lui bottais les fesses à elle !

Donc, tu avais décidé que cette journée pas tellement glorieuse devait prendre un tournant plus positif, et… Tu étais allé te coucher en ignorant ton estomac qui criait famine. Pour le reste de la journée tu n’avais pas de travail et personne à voir, donc autant en profiter pour recharger les batteries.

Beaucoup plus tard dans la journée, quand en t’interrogeant sur la suite de la journée tu t’étais rendu compte que tu ne t’étais TOUJOURS PAS   alimenté, tu as pris ta voiture en quête de nourriture (rien de trop ouf, il ne fallait pas oublier que le dépanneur avait largement saigné ton budget du mois).

Et donc, au moment de sortir pour te diriger vers ce petit restaurant de Bibimbap après t’être garé, tu avais largement enfoncé tes DEUX POMPES   (oui pas qu’une seule hein, les deux) dans une ENORME   montagne de merde !

Le truc qui avait lâché pareil immondice devait être d’une taille bien titanesque…
Donc tu avais par la suite passé une bonne dizaine de minutes à nettoyer piteusement tes rangers et leurs milliers de petits creux   sur le trottoir (et n’importe quel objet sur le sol susceptible de te venir en aide) pour pouvoir rentrer dans le restaurant sans risquer de te faire jeter.

« Vraiment, une journée de merde. »

Et maintenant ?... Tu te trouvais derrière un groupe de filles, tu les avais d’ailleurs surnommés mentalement le groupe de dindons à cause de leur rire stridents insupportable. Et tu attendais. Tu… Attendais. Encore… Quand l’une se décidait, c’était l’autre qui changeait d’avis, et quand ENFIN elle prenait une décision, c’était son AUTRE amie qui lui rappelait son régime, parce que bidule bidule avait entendu dire que le crush de truc muche la trouvait un peu trop grosse et blablabla…

Au bout de quelques instants, un vague murmure émergea de ta gorge, signe de ton impatience.

« Aish, j’ai pas que ça à faire. J’ai faim putain… »

Ta patience… Ta patience… On t’avait déjà menacé d’appeler les flics plus tôt dans la journée… Tu avais fait tout ce voyage depuis New York… ça serait quand même CON de finir par tuer des pauvres filles en leur enfonçant des menus dans la bouche… Hmm… Tentant quand même…

Donc tu te trouvais là, habillé très simplement avec une veste noire légère en coton à capuche un peu débraillée (capuche relevée sur tes oreilles pour les tenir au chaud), un débardeur blanc qui laissait voir tes nombreux tatouages   dans ton cou, sur ton torse et tes épaules, un pantalon cargo noir également aux mille et une poche et tes rangers noires encore malodorantes, lassées jusqu’à tes tibias.
Tu replaças nerveusement ton sac à dos usé sur ton épaule pour prendre la parole à voix haute cette fois-ci.

En plus ça n’allait pas tarder à être la fermeture, fallait pas abuser non plus, t’avais pas mangé de la journée, merde  . D’ailleurs c’était le cas de le dire, tu avais encore en tête cette affreuse odeur qui t’avais assailli plus tôt les narines.

« Au pire, si tu veux pas prendre de poids, prends-toi une salade, je sais pas ? Je suis pas le seul à attendre et j’ai faim à en crever, donc choisissez ou circulez.»

Loin d’avoir un ton politiquement correct , ton regard excédé avertissait que la prochaine personne à s’interposer entre toi et ton repas allait se prendre tout ton agacement de la journée dans la gueule  . Et ton agacement de la nuit. Enfin qui s’en souciait même ?

Si le dieu karma continuait de t’empêcher de bouffer, ça allait chier.

Sans mauvais jeu de mots.